<i>"The Name of Our Country is América" - Simon Bolivar</i> The Narco News Bulletin<br><small>Reporting on the War on Drugs and Democracy from Latin America
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Narco News Issue #42

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Les zapatistes et La Otra: les piétons de l’histoire. IV

Quatrième Partie: Deux piétons sur des chemins distincts…et avec des destins différents


Par Sous-commandant Insurgé Marcos
L’Autre Mexique

14 octobre 2006

1. Le « genre » d’un dirigeant. Le rejet du « couple présidentiel » envers Lopez Obrador s’est accru au fur et à mesure de la candidature du Tabasqueño (de l’état de Tabasco). Avec ses conférences matinales (et la vaste couverture que lui offraient les mass média –aujourd’hui ennemis déclarés du perrediste), le maire de la ville de Mexico écrivait l’agenda de Los Pinos (résidence présidentielle)…et du reste de la classe politique. Même si l’on était dans le coin le plus reculé du pays, on savait ce qu’avait dit Fox (bon, quand il arrivait à articuler quelque chose de compréhensible), ce qu’avait dit AMLO et au cours de la journée, comment se prononçait le reste de la troupe de politiciens mexicains sur ce qu’avait dit…le maire du DF. Cela ne semblait pas poser de problème à Fox …pour un temps. Dans une émission de télévision, Lopez Obrador se dit déconcerté par la soudaine aversion de « Monsieur le président » (rappelez-vous du « il faut protéger l’investiture présidentielle »). « Si c’était mon ami, je ne sais pas ce qui lui arrive », dit alors AMLO. Et bien ce qui est arrivé, c’est que « l’investiture présidentielle » appartenait maintenant à un couple : celui formé par Vicente Fox et Martha Sahagun. Et « Madame Martha », comme l’appelle son mari, voulait et veux être, non pas la femme du président mais « Madame la présidente ».

Si on dirait une pièce de théâtre, ce n’est pas par hasard. Dans la comédie quotidienne que jouait Los Pinos, Madame Sahagun avait toujours le rôle principal (bien que pas toujours le plus heureux, il ne faut pas être trop exigeant). Doña Martha démarra sa longue course, pour l’instant écourtée, à la chaise présidentielle très tôt. Précisément quand il n’y avait que Lopez Obrador qui apparaissait sur la scène comme candidat le plus fort. Mais tandis qu’elle se débarrassait des personnages gênants (pour elle) du cabinet et du cercle proche de Fox, Martha voyait désespérément qu’AMLO maintenait sa position. Il ne fallait être très futé (et ils ne le sont pas, de toute façon) pour se rendre compte qui serait le rival de Madame Martha au cas où elle devenait la candidate d’Action Nationale.

La manœuvre des « scandales vidéo » fut le premier indice de combat sérieux pour essayer de sortir AMLO de la course à la présidence. Le combat s’hissa à la catégorie de bataille avec la tentative de destitution. Si on voyait un coup du gouvernement Fox dans les vidéos, la tentative de destitution fut d’un toupet fini. Une mobilisation civile croissante (que Lopez Obrador désactiva) valut à Fox une défaite écrasante. Mais en politique il n’y a pas de batailles finales.

Pendant ce temps, Lopez Obrador se construisait une candidature, c’est-à-dire une image. Il est clair que pour y arriver, le balcon privilégié de la mairie de Mexico ne suffisait pas ; au PRD, la figure de Cuauhtemoc Cardenas Solorzano pesait toujours beaucoup. Mais le gouvernement du DF ne représentait pas seulement la possibilité d’entrer dans les projecteurs médiatiques, c’était aussi de l’argent, beaucoup d’argent. Et cette musique est extrêmement douce aux oreilles de la classe politique en général, pas seulement de la direction du PRD. Avec une discrète amabilité, AMLO « gagna » peu à peu les sympathies (et le contrôle) de l’appareil du Parti de la Révolution Démocratique…et d’un secteur important d’intellectuels, d’artistes et de scientifiques. Pour le premier, par le budget. Pour le dernier, par le dialogue et les attentions spéciales.

En résumé, tout allait bien.

Ce fut alors que certains media d’information jetèrent un hameçon qu’avala joyeusement le Lopezobradisme: les premiers sondages. Comme il apparaissait par un avantage scandaleux bien au dessus du reste des candidats, AMLO leur donna crédibilité et les avala. Consenti et adulé par la presse d’alors, Lopez Obrador oublia une loi de base du terrain marécageux des média : le fugace et l’éphémère. Les médias font les héros (et « héroïnes » ajoute Martita pleine d’enthousiasme – si le diminutif prend un « h », je vous en laisse le soin) et les scélérats (« et les scélérates» complète Elba Esther Gordillo) non seulement dans les feuilletons mais aussi sur la scène politique. Mais comme ils les font, ils les défont. Le chef du gouvernement du début « posé », « prudent » et « responsable » se convertira par la suite en un politicien « irresponsable », « messianique » et « provocateur » ; et les sondages qui le mettaient en tête, le mettraient ensuite à la queue.

Dans la mobilisation contre la destitution, se vit le premier indice du « genre » Lopez Obrador. Bien qu’il était évident que bon nombre de ceux qui se mobilisèrent, le firent contre l’injustice et non pour appuyer AMLO, celui-ci utilisa ce mouvement pour démarrer ouvertement sa course à la présidence du Mexique. Quand la mobilisation commença à se convertir en mouvement (dans certains groupes, apparut un soucis pour se poser des questions plus profondes comme la place de la science, de l’art, de la culture et surtout celle du travail politique) et que le gouvernement Fox recula, Lopez Obrador renvoya les gens chez eux.

L’objectif : arrêter la destitution et mettre AMLO sur le haut de la vague, avait réussi et il s’était compromis à enrayer les mobilisations. C’est ce qu’il fit.

Le message de Lopez Obrador au reste de la classe politique (dont il fait partie, ne pas l’oublier) et aux messieurs (et dames) de l’argent était clair : « j’ai non seulement la capacité de convoquer une grande mobilisation, je peux aussi la diriger, la contrôler, la doser…et l’arrêter ».

2. Les intellectuels de AMLO. Dans une partie du milieu intellectuel progressiste commença désormais à surgir ce que nous connaissons comme le Lopezobradorisme cultivé. Cette tendance annoncerait la mise en place d’une nouvelle classification qui définirait ceux qui faisaient partie du Mexique de la politique et ceux qui n’en faisaient pas partie; c’est-à-dire pour distinguer deux catégories : les bons (ceux qui sont avec AMLO –soit les « sympathiques » et les « populaires » -) et les méchants (ceux qui ne sont pas avec AMLO –soit les « envieux» d’après Elenita-). N’importe quelle critique ou questionnement dirigé contre Lopez Obrador, même tiède et posé, était catalogué de complot de la réaction, de Carlos Salinas de Gortari, des forces obscures de l’extrême droite, du « Yunque », d’un conservatisme déguisé. Maintenant lorsque les critiques au Lopezobradorisme sont un peu « tolérantes », elles sont jugées « sectaires », « marginales », « extrémistes », « infantiles ».

Avec un entêtement digne d’une meilleure cause, ce secteur construisit une pensée sectaire, intolérante, despotique et vile. Et il le fit avec une telle efficacité que cette pensée est celle qui guida « les miroirs » intellectuels de Lopez Obrador dans la campagne électorale, ensuite dans le mouvement de résistance à la fraude et maintenant dans la CND d’AMLO.

Quand le journal mexicain, La Jornada, intitula une de ses éditions d’août 2005 (à l’occasion de la première réunion de préparation de la Otra) : « ou vous êtes avec nous ou contre nous » (à peu près), il se trompait oui et non. Ce n’est pas Marcos qui a dit cette phrase. Mais c’est le Lopezobradorisme cultivé qui l’a dit alors et le dit désormais.

Cette pensée (qui commença à se consolider lorsque l’appui du PRD fit l’impasse sur la contre-réforme indigène) encouragea à ce qu’on ferme les yeux et qu’on se bouche les oreilles quand les perredistes de Zinacantan, des haut plateaux de Chiapas, attaquèrent des bases de soutien zapatistes ; et permettrait que les assassinats des défenseurs des droits de l’hommes, Digna Ochoa y Placido ainsi que le jeune étudiant Pavel Gonzalez soient manipulés par le gouvernement perrediste du DF avec une ignominie qui ensuite se convertirait en routine. Pour les cas de Digna y Pavel, devant le crime aggravé de la mort humiliante de combattants sociaux, des voix honnêtes gardèrent le silence… « Pour ne par faire le jeu de la droite ». Le Lopezobradorisme cultivé eut alors son premier triomphe, illégitime comme tous ceux qu’il a obtenu jusqu’à présent.

Si les sympathisants, militants et meneurs du PRD, ce secteur des intellectuels et AMLO même, gardèrent le silence alors, il fallait s’attendre à ce qu’ils ne disent rien quand les assassins de militants perredistes occupèrent des candidatures sous le drapeau jaune et noir.

Et c’est ce qui arriva.

Quand quelqu’un se tait devant quelque chose comme ça, il se tait devant n’importe quoi. Le fantasme de l’ « innommable » Carlos Salinas de Gortari rôdait partout et tout était bon pour le combattre. Tout jusqu’à recycler les anciens salisnistas …dans le PRD et dans le cercle proche de Lopez Obrador.

Avec cette mentalité autochtone de la « pensée unique », un nouveau système d’évaluation survint, une nouvelle unité de mesure : la même chose avait une valeur différente suivant qui la faisait ou la proposait. Si c’était AMLO ou un de ses sympathisants qui le faisait ou le proposait, alors l’action ou le projet acquérait toutes les vertus imaginables ; mais si c’était quelqu’un qui critiquait Lopez Obrador, alors c’était un projet des »forces obscures » de l’extrême droite.

Quand nous avons signalé (dans « l’impossible Géométrie du Pouvoir) que le projet de AMLO était staliniste, les intellectuels poussèrent des hauts cris (ils sont toujours là-haut hystériques). Mais quand le responsable du plan économique de Lopez Obrador (Monsieur Ramirez de la O, assesseur en politique économique et, pour certains, celui qui serait le ministre de l’intérieur si AMLO arrivait à la présidence) déclara, quelques jours avant les élections, que son projet était de « libéralisme social », semblable à celui de Carlos Salinas de Gortari, ces intellectuels se détournèrent.

Pendant ce temps, la vraie droite ne s’en faisait pas. Certaines de ses pensées et de ses projets étaient déjà dans la ligne du perrediste : le « mauvais » (et raté) Plan Puebla Panama de Vincente Fox rencontrerait sa « purification » dans le Projet Transisthmique de AMLO ; L’approbation de la dénommée « Loi Televisa » par les rangs perredistes de la chambre basse fut une autre « erreur de tactique » ; les lois mineures et les règlements approuvés également par ce parti qui légalisèrent l’usurpation de terres indiennes n’étaient pas « si graves » ; la relation ambiguë entre Lopez Obrador et le chef d’entreprise Carlos Slim était une « politique d’envergure » ; La privatisation du Centre Historique de Mexico était « modernité » ; l’investissement colossal dans un deuxième étage du périphérique reliant une des zones les plus riches du DF, en même temps qu’il baissait l’investissement dans les transports publiques, était un exemple de « bon gouvernement » (et non pas une omission dans le programme « d’abord les pauvres ») ; les coups portés au mouvement urbain populaire était « mettre de l’ordre »…et le caudillisme qui germait et se cultivait était… » le surgissement d’une nouvelle direction ».

Sans aucun indice qui le démontrait, on décréta Lopez Obrador de gauche parce que…parce que…bon parce qu’il l’a dit (bon, parfois, parfois pas, ça dépend à qui il s’adresse).

Le calendrier arriva au 3 et 4 mai et la mort et la douleur arrivèrent à San Salvador Atenco et Texcoco dans l’état de Mexico. Les sondages dirent qu’il fallait appuyer la répression ou se taire. Fecal (Felipe Calderon) dit bon, magnifique, c’est ce qu’on devait faire. Madrazo apparaissait de plus en plus faible. Du côté de la »gauche », les rangs perredistes au congrès mexicain applaudissaient l’actuation politique et soutenaient Peña Nieto. De son côté, Lopez Obrador…gardait le silence. Atenco serait utile si ça servait à influencer les élections mais les « évaluations » des média dirent le contraire. Le Lopezobradorisme cultivé se plaignit légèrement, sans aucune conviction et passons à autre chose.

On oublia aussi que pendant tout le trajet de sa candidature, AMLO s’efforça d’être agréable au secteur patronal. Si on révise les discours et déclarations de sa pré-campagne et campagne électorale, ils n’ont rien à voir avec ceux qu’il a prononcés après le 2 juillet. De temps en temps, il déclarait aux politiciens : « il n’y aura pas de vengeance ». Et il disait au secteur patronal textuellement : « vous n’avez rien à craindre de moi ». C’est-à-dire : « je ne vais pas toucher à vos propriétés, ni vos profits, ni les us et coutumes de la classes politiques ».

Pour ne pas voir ça, il fallait une myopie très grave. Mais pour le voir et rester silencieux après, il fallait un cynisme qui ne finira pas de nous surprendre.

Un temps après, au cours de la mobilisation contre la fraude, Lopez Obrador dit au Zocalo de Mexico, qu’avec la victoire de Juan Sabines au Chiapas s’était détenue l’avancée de la droite ! Qu’AMLO promût la mesure qui « purifie » (et fait de gauche) tous ceux qui le soutiennent, bon passons, après tout, c’est lui qui l’a créée. Mais que le lopezobradorisme cultivé applaudisse avec enthousiasme une stupidité de cette taille, c’était incompréhensible…ou une preuve tangible du degré de bêtise atteint. « Détenir l’avancée de la droite au Chiapas » signifiait recycler le Croquetas Albores et ce grand propriétaire, auteur de cette fameuse phrase : « au Chiapas un poulet vaut plus qu’un indien » (Constantino Kanter). Celui qui avale ça, avale tout. Et s’il y a quelque chose qui ne manque pas dans le lopezobradorisme cultivé, se sont les bévues de cette taille.

Dans cette « saine » ambiance de discussion et de « haut » niveau d’analyse, on arriva au premier jour de juillet avec le lopezobradorisme cultivé affichant non pas un programme progressiste de participation citoyenne (c’est-à-dire se battre avec les partis politiques sur le terrain de l’action politique) ou un nouveau projet dans le domaine de l’art, la culture et les sciences mais une consigne pleine de vanité et d’arrogance : « souris, nous allons gagner ». Non, ils n’ont pas appelé à ce qu’on détienne la droite (bien sûr, maintenant ils vont dire qu’ils le firent). Ils ont appelé à célébrer la victoire (ceci naturellement avec modération et maturité).

Ah ! Tout allait être si facile, si sans mobilisations, si sans répression, si sans affrontements, si sans confrontations politiques et idéologiques, si sans débats, si sans querelles internes, si en paix, si dans le tranquillité, si stable, si équilibré, si sans radicalisme, si sans fuite de capitaux, si sans chute de la Bourse des Valeurs, si sans pressions internationales, si sans que personne ne s’en rende compte, si sans lutte de classe, si- si

La répression ? Bon pour la souffrir, il y avait l’Autre Campagne, Atenco, ceux-là oui, les indiens et les « gens vulgaires ». Et pas de blocage de routes principales même pour la demande légitime de liberté et de justice pour les prisonniers d’Atenco. Quand La Otra barra les rues en solidarité de nos compagnons, la police du DF fonça pour « garantir la liberté de circulation ». Des dizaines de jeunes, d’étudiants de ENAH et de la CCH Sur dans leur majorité, furent frappés et gazés dans le périphérique sud et poursuivis jusqu’à l’intérieur même des installations de l’Ecole Nationale d’Anthropologie et d’Histoire.

Le Lopezobradorisme cultivé dit que bien, bravo, que la rue, les autos, la bande numéro 13 (expédiée par AMLO quand il était maire), la libre circulation, les « extrémistes, l’ordre, la stabilité. Après tout, ce n’était que des gamins (et ils ne voteraient probablement pas ou ils n’avaient même pas de carte d’électeur). Soit, comme diraient Alaska et Thalia, « on s’en fou ».

Un temps après, la mobilisation contre la fraude, faisant usage du droit légitime à la liberté d’expression, bloqua l’Avenue Reforma (je crois qu’elle s’appelle comme ça). Quand les chefs d’entreprises et les « gens biens » protestèrent (malgré les aides fiscales) et demandèrent la tête du maire du DF, Elenita Poniatowska interviewa le maire harcelé Alejandro Encinas. Il déclara qu’il devait respecter et protéger la liberté de manifester.

Peut être émue par les souffrances de Encinas, Elenita « oublia » de lui demander pourquoi les libertés avaient de la valeur et étaient respectées quand il s’agissait des sympathisants de AMLO et non quand il s’agit de La Otra ou du mouvement de ceux qui sont rejetés de l’éducation supérieure ou des mouvements qui recourent à ces actions pour se faire voir et écouter ? Dans « l’oubli » d’interviewé et d’interviewer, on pouvait écouter distinctement : « il y une loi pour ceux qui sont avec moi et une autre pour les autres (ceux qui ne me soutiennent- suivent-obéissent pas).

Or la nuit du 1ERjuillet, le lopezobradorisme cultivé rêva que le pays changerait uniquement en allant aux urnes. Et ils supporteraient avec modestie, il ne manquait plus que cela, les preuves de reconnaissance des pauvres gens (« regarde, ma fille, voilà le professeur qui a donné des cours à Monsieur le président et à son fils ; et là-bas, ceux-là, on les a vus à la tribune, dis-leur bonjour, car ce sont ceux qui dirigèrent notre libération »), des indiens (des zapatistes, non, parce que c’est connu que ce sont des ingrats), des ouvriers, des paysans, des femmes, des jeunes, des personnes âgées, du Mexique quoi. Et à l’étranger il y aura des conférences et des tables rondes. Et le Lopezobradorisme cultivé, ça bien sûr, avec modestie et modération, raconterait ce qu’il avait fait pour le Mexique…il manquait seulement qu’ils l’aient dit du haut de la tribune.

Mais le 2 juillet arriva et la Gordillo avec lui….Et avec elle,…la fraude.

3. La mobilisation contre la fraude. Mais après la stupeur initiale et que maintenant était prêt l’échafaud pour anéantir Marcos, le EZLN et L’Autre Campagne et tous ceux qui résistaient à la « purification », ces intellectuels se rendirent compte qu’il était arrivé ce qui était arrivé. AMLO démontra, une fois de plus, qu’il avait plus d’intuition et d’intelligence que le lopezobradorisme cultivé. Il mesura qu’une mobilisation contre la fraude dépendait de ce qu’il dirait et de ce qu’il ferait…et voilà ce qu’il dit et fit. Une mobilisation populaire, authentique, légitime et juste se mit alors en place : la mobilisation contre la fraude et par conséquent contre l’imposition de Felipe Calderon.

On a dit que la mobilisation n’était, ni n’est ce que l’on dit. On parle de convoyages, de l’intromission éhontée et impertinente de la mairie du DF et de la structure du PRD, qu’ils n’étaient ni ne sont si nombreux que l’on dit. Peut-être. Ce qui ne fait aucun doute, au moins pour nous Zapatistes, c’est qu’il y avait et il y a dans cette mobilisation des personnes honnêtes qui y étaient et y sont par conviction et par principes. Ces personnes méritent et ont notre respect mais leur chemin mène là où nous ne voulons pas aller.

Nous ne partageons avec elles ni le chemin, ni le destin.

Et notre manière de les respecter est de ne pas nous mêler de leur mobilisation, ni pour disputer à AMLO la direction indiscutable qu’il en a, ni pour la saboter, ni par opportunisme, ni pour « désillusionner » les masses (ce sont des arguments et des raisons que certaines organisations et certains groupes mentionnent pour justifier leur présence bien qu’ils ne soient pas d’accord avec la conduite de la mobilisation).

Les personnes honnêtes qui y sont, nous le savons, pensent qu’il est possible que la mobilisation se convertisse en mouvement (avec la CND) et que cela ne dépend ni du leader, ni de la structure de contrôle imposée aux conventionnaires. Peut-être. Nous ne croyons pas. De plus, nous pensons que ce ne serait pas moral de « s’y agripper » et « d’en profiter », n’ayant rien fait pour cette mobilisation, si ce n’est conserver un scepticisme critique.

Maintenant, au sujet de la mobilisation contre la fraude et l’essai de la convertir en mouvement avec la CND, nous disons la chose suivante :

  1. La « conscience » d’AMLO quant à l’illégitimité des institutions surgit avec l’escamotage de sa victoire par la fraude. Ce serait une autre histoire si on avait reconnu qu’il avait gagné la présidence.
  2. La Convention Nationale Démocratique n’était pas dans les idées du lopezobradorisme au commencement de sa mobilisation. S’il en avait été ainsi, le sitt’in en aurait profité pour analyser, discuter et débattre les différents projets qui furent votés par la suite par acclamation le 16 décembre 2006. La CND était et est une façon de trouver une sortie au sitt’in et une façon légitime de commencer la construction d’un mouvement visant à gagner la présidence de 2012…ou avant, si on arrive à faire tomber Fecal.
  3. Au CND une direction fut imposée qui, bien plus que conduire le mouvement, se propose de le contrôler. Il n’y a pas ici le plus petit germe de participation démocratique dans les discussions et dans les prises de décisions, encore moins d’auto-organisation. Cette direction a ses propres intérêts et compromis (bien que le CND accorda le boycott de certaines entreprises et produits, certains de ses dirigeants déclarèrent qu’ils ne le respecteraient pas – voyez ce que Federico Arreaola écrivit en Milenio Diario, le jour suivant de la CND-).
  4. Le mouvement en formation du Lopezobradorisme ne signale pas une crise des institutions (celles qui forgèrent et commirent la fraude). Si cela avait été le cas, ils auraient décidé que personne n’accepte les postes acquis pendant les élections, ce qui aurait provoqué une rupture difficile à gérer. La CND ne cherche ni son autonomie ni son indépendance. Au contraire elle est toujours dépendante de la vieille classe politique (aujourd’hui convertie en « gauche »).
  5. La majorité, pas tous, de ceux qui sont à la direction de la CND brille par leur corruption, leur opportunisme et leur tendance au magouillage.

    Si, d’un côté, on envoie « au diable » les institutions frauduleuses, d’un autre côté, on y participe (argent inclus). Les négociations sont à l’ordre du jour et il en manque quelques unes importantes à venir : le budget fédéral et celui de Mexico.
  6. Le Lopezobradorisme cultivé dirige ses attaques maintenant vers lui, vers ceux qui appuyèrent AMLO mais qui le critique aujourd’hui. Les disqualifications internes et les purges vont augmenter.
  7. La mobilisation eut et a sans aucun doute de l’éclat et de la splendeur. Par exemple, la créativité et l’intelligence dans les actions de dénonciation contre certaines entreprises complices de la fraude (banques, Wall Mart, etc…) ; la participation convaincue de gens d’en bas ; la colère juste et légitime contre l’omnipotence du PAN et du gouvernement de Fox, contre également le mépris insultant que certains média de communication électronique (Televisa, TV Azteca et les grandes chaînes de radio) montrent pour ceux qui participèrent et participent à la mobilisation.

4. En bas…Et pendant ce temps, dans le Mexique d’en bas…

  • Les gens honnêtes. En bas se rencontre la majeure partie de ceux qui se mobilisèrent contre la fraude électorale. Ceux qui voulaient qu’AMLO soit président parce qu’ils votèrent pour lui et il a gagné. Ceux qui défendent le droit d’élire démocratiquement le gouvernement. Ceux qui ne voulaient pas que se répète un autre 1988. Ceux qui avaient et ont une saine méfiance dans l’appareil du parti de la Coalition. Ceux qui défient le pouvoir en place et veulent que change le système néolibéral qui a déchiré le tissu social et fait sombrer le pays.
  • Oaxaca. L’en bas surgit également à Oaxaca et prit forme et chemin avec l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO). La capacité de veto de ce mouvement a été digne d’être pris en compte. Peu importe si ceux qui y participent votèrent ou non (ou s’ils le firent pour la Coalition ou n’importe quel autre parti). Ceci n’est pas ce qui est important mais plutôt qu’ils aient une confiance dans leurs forces qui va au-delà des dirigeants et des conjonctures. Cette confiance leur a permis jusqu’à présent de décider eux-mêmes de leurs tactiques sans céder aux pressions externes et aux conseils des « bonnes consciences ». En tant que EZLN, nous soutenons ce mouvement et essayons de voir et d’apprendre à travers les compagnons de la Otra qui y luttent. Notre appui ne va pas au-delà pour deux raisons : la première c’est qu’il s’agit d’un mouvement en lui-même complexe, un appui plus direct pourrait faire « du bruit », provoquer un confusion et éveiller la méfiance. La deuxième est que plusieurs fois le mouvement du peuple oaxaquénien a été accusé d’avoir des liens avec des groupes armés, notre présence directe ferait croître la campagne médiatique qu’ils ont déjà contre eux.
  • Les Otras. A part les mailles à partir avec la politique d’en haut, une autre rébellion s’est construite au plus profond de la société : parmi les peuples indiens, parmi les jeunes brutalisés par le pouvoir (y compris celui du PRD), parmi les ouvriers des usines à la chaînes , parmi les travailleurs sexuels, les femmes insoumises qui vivent dans l’angoisse que leur maris émigrent vers le nord, dans les organisations politiques de gauche qui sont convaincues qu’il existe quelque chose au-delà du capital et de la démocratie représentative, parmi tous ceux qui forment L’Autre Campagne qui existe dans tout le pays et qui s’organise et invente une autre forme de faire de la politique et de communiquer avec ses semblables-différents.

    L’Autre Campagne n’est pas ce qui est sorti dans les moyens de communication, ni ce que certains de ses participants en disent, ni même ce que la Sixième Commission du EZLN a commenté sur son déroulement. C’est beaucoup plus que tout ça. C’est un torrent qui continue en bas, qui ne s’exprime pas encore complètement, qui existe et se reproduit dans les soubassements du Mexique.

    Mais aussi en bas, il existe des millions, la majorité, qui n’ont pas voté. Qui ne croient pas dans les élections (beaucoup d’entre eux comme nous Zapatistes, n’ont jamais voté par conviction). Ceux qui forment partie du Mexique méprisé et humilié (et maintenant le Lopezobradorisme cultivé veut les mépriser et les humilier encore plus, leur imputant la prétendue défaite). Beaucoup d’entre eux font partie du Mexique des peuples indiens qui, il y seulement quelques années, étaient encensés pour leur volonté de lutte et de résistance.

Avec ces derniers, avec ceux qui ne regardent pas en haut, nous sommes nous Zapatistes. Nous pensons que c’est avec eux que doit être l’Autre Campagne.

Parce que certains d’en bas, ceux d’entre nous qui sommes dans la Otra, identifient déjà notre peine et l’ennemi qui la cause : le capitalisme.

Et nous savons deux choses essentielles : Une, que pour livrer cette lutte il faut la construction d’un mouvement socio-politico autonome et indépendant. Et l’autre, c’est qu’il n’y a pas en haut de réelle solution ni pour les problèmes économiques et sociales qui affligent le peuple mexicain, ni pour la main-mise de la classe politique sur la participation et l’organisation du peuple.

Nous, Zapatistes du EZLN, il y a un an nous avons choisi d’impulser un mouvement national anticapitaliste, d’en bas et de gauche qui passerait au dessus de la conjoncture électorale – où on pouvait être indépendamment de ce que chacun décide sur les élections –Maintenant nous avons vu et appris beaucoup de choses. De ceux d’en haut, de la Otra, de nous-mêmes.

Nous pensons, qu’on soit d’accord ou pas avec la légitimité ou la popularité du mouvement que dirige Andres Manuel Lopez Obrador, ceci n’est pas le chemin de la Otra. Et surtout il n’a pas le même destin de ceux d’entre nous qui sommes compagnons de la Otra.

Nous, La Otra, nous ne cherchons pas qui nous dirige, ni qui diriger. Et nous ne cherchons pas d’obtenir d’en haut ce qui se construit d’en bas.

Et c’est à vous, nos compagnes et compagnons de la Otra, que nous voulons faire une proposition….

(À suivre…)

Par le Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène-Etat Major de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale.
Sixième Commission
Sous-commandant Insurgé Marcos
Mexique, Septembre 2006

Traduccion al frances : ClaudineMadelon/ 08/10/2006

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