<i>"The Name of Our Country is América" - Simon Bolivar</i> The Narco News Bulletin<br><small>Reporting on the War on Drugs and Democracy from Latin America
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Narco News Issue #42

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Lettre de prisonnières politiques au peuple de Oaxaca en lutte

« Vous nous avez appris à unir toutes les luttes »


Par les compañeras Gloria, Mariana, Norma, Suelen, Edith, Magdalena, Maria Luisa et Patricia.
Chiconautla et Santiaguito, Etat de Mexico

21 novembre 2006

Prisonnières politiques de Chiconautla et Santiaguito, Etat de Mexico. 1er novembre 2006

MESSAGE AU PEUPLE HUMBLE ET DIGNE DE OAXACA:

C’est-à-dire :
Aux adhérents de l’APPO
Aux peuples indiens de Oaxaca
Aux enseignants et enseignantes de la Section 22
A l’Autre Campagne à Oaxaca
A tous les hommes et toutes les femmes qui n’appartiennent à aucune organisation mais qui luttent quand même
A tous les prisonniers et toutes les prisonnières politiques

Oaxaca d’en bas et à gauche, c’est un honneur de nous adresser à vous.

Nous ne pouvons pas sortir de notre prison pour être avec vous là-bas où nous aimerions être en ce moment. C’est pourquoi nous faisons sortir notre parole pour vous dire que nos cœurs sont là-bas avec vous, que nous souffrons et sommes indignées pour chaque compañero et chaque compañera torturé, incarcéré ou assassiné.

Votre douleur, votre dignité et votre rébellion résonnent fort, pas seulement à Oaxaca, mais aussi dans tout le pays et à l’extérieur. Ici, derrière nos murs et nos grilles, nous entendons votre lutte et la faisons nôtre.

Etant donné que nous faisons partie du Mexique d’en bas et à gauche, nous vous disons MERCI, compañeros et compañeras, pour vos grands enseignements, pour votre exemple, de quelque organisation que vous soyez ou que vous ne soyez d’aucune.

Qu’avons-nous appris de vous ? Que dit votre exemple au Mexique ? DIGNITÉ, RÉBELLION, AUTO-ORGANISATION, AUTONOMIE et que, pas à pas, il faut beaucoup marcher avant de les vivre.

Vous nous avez appris la DÉCISION de lutter, à sentir le courage, à VAINCRE LA PEUR quand l’état veut nous paralyser par la terreur.

Quand ici, dans l’état de Mexico, l’attaque criminelle des gouvernements municipal, fédéral et de l’état contre Atenco nous a blessées et indignées, quand les occupations et les blocages furent criminalisés et que ceux d’en haut en chœur en appelaient à la manière dure et à la répression contre le mouvement social, Oaxaca nous a enseigné que lorsque tout un peuple se soulève, rien ne peut l’arrêter.

Vous nous avez appris à UNIR toutes les luttes. Un état avec un mouvement social divisé en diverses organisations, avec diverses luttes disséminées sur tout le territoire, séparées par la géographie mais aussi par différentes revendications, nous a appris que les différences entre les organisations de gauche peuvent être dépassées par un peuple qui s’UNIT et découvre sa force.

Vous nous avez enseigné un chemin qui naît des entrailles du Mexique d’en bas, un chemin qui désormais apparaît à Oaxaca comme un avertissement qui nous dit qu’avant d’atteindre son but, il faudra croître et recouvrir non seulement un état, ni deux, ni même trois mais tout le pays : le chemin de l’INSURRECTION POPULAIRE, CIVILE ET PACIFIQUE.

Quand les policiers municipaux et nationaux ne pouvaient plus agir dans la capitale, quand le gouverneur ne pouvait plus négocier nulle part dans l’état, quand il a été déclaré persona non grata sur sa terre natale, quand aucune des cinq cents municipalités ne l’ont hébergé la nuit du 15 septembre, quand les bureaux du gouvernement et des médias ont été occupés par le mouvement, quand les mairies et les commissariats de police ont été pris dans plusieurs municipalités, il fut clair que le mouvement avait pris l’envergure d’un état entier en rébellion, pas par ceux d’en haut mais par son peuple qui se rebelle et ce, sans tomber dans la provocation et la violence (celle qui a eu lieu est bien venue d’en haut et est arrivée en uniforme de PFP (Police Fédérale Préventive) et de la police militaire).

Vous avez appris et nous avez appris UNE AUTRE FACON DE FAIRE DE LA POLITIQUE. Ceci n’est pas venu d’une Oaxaca politiquement divisée mais de celle qui vit dans la profondeur de ses peuples originels. La politique d’en bas et depuis le bas, celle qui ne regarde pas vers le haut, vers aucun parti ni candidat (bien que le PRD (Parti de la Révolution Démocratique) veuille intégrer le mouvement).

La politique d’en bas qui ne dépend d’aucun leader ou sauveur et qui, lorsque les positions de certains dirigeants vont contre celle du mouvement, sont catégoriquement refusées, les obligeant à COMMANDER EN OBÉISSANT.

La façon de faire de la politique depuis le bas qui réussit là où les avant-gardes faillissent. La politique d’en bas qui exerce l’AUTOGOUVERNEMENT ET LA DÉMOCRATIE DIRECTE.

En différents endroits du Mexique naît et se fortifie l’AUTONOMIE. Oaxaca nous enseigne également l’AUTOGOUVERNEMENT, pas celui suffisamment fort et étendu pour atteindre un état autonome, mais montre clairement que c’est possible et par quel le chemin : les municipalités autonomes (pas seulement celles qui se déclarent ainsi à la faveur de ce mouvement mais aussi celles qui ont lutté et résisté depuis de nombreuses années) et des corps de topiles (police communautaire) qui offre une alternative autonome aux polices corrompues et répressives des gouvernements municipaux et d’état.

Les corps de topiles et les gardes mobiles ont évité tout abus ou agression et ont offert l’ordre et la sécurité à la ville prise par ses habitants durant cinq mois, contrastant en ceci avec la FPF qui, dès son premier jour sur le zocalo (place centrale), l’a couvert d’excréments et d’urine.

Vous nous avez appris qu’un peuple a la CAPACITÉ DE DIRE NON et qu’il peut l’exercer. Dire non à ce qui vient d’en haut, à ce qui nous nuit, à empêcher, de fait, ce qu’ils nous imposent. Comme quand vous avez dit à Ulises Ruiz de partir et lui avez interdit dans les faits d’entrer dans l’état, et encore plus de gouverner. Comme quand vous avez dit non à la police municipale et d’état dans la ville et qui, dans les faits, ne peut plus agir. Comme quand vous avez dit non à la division du mouvement quand le gouvernement a posé un ultimatum aux enseignants et que la base ne s’est pas divisée.

Vous nous avez appris qu’il est important qu’un mouvement social construise SA PROPRE VOIX, SA PROPRE PENSÉE, SA PROPRE OPINION. Vous ne vous êtes pas contenté de dire que la télévision d’état et que les radios commerciales mentaient, vous avez mis en place votre propre radio dans le sit-in. Depuis le début, Ulises Ruiz a vu le danger qu’elle représentait pour son pouvoir, qu’elle était la colonne vertébrale du mouvement et a ordonné à sa police de détruire Radio Planton.

Vous n’avez pas laissé le domaine de la PAROLE dans les mains de ceux d’en haut et pris Radio Universidad et diverses radios commerciales ainsi que le canal 9 de la télévision. Alors ils ont tremblé, ceux de la Oaxaca d’en haut, ils ont tremblé au palais présidentiel Los Pinos, au ministère de l’Intérieur, dans les bureaux du président entrant et à l’armée.

Quelque chose les a dépassés qui les empêche de dominer la pensée et le cœur du peuple de Oaxaca. Désormais, c’était ce peuple qui répandait sa propre voix et qui créait l’OPINION de ceux d’en bas. La voix et la pensée de ceux d’en bas sont parvenues non pas à un secteur ou un groupe mais à tous les habitants de la capitale et de l’état.

LES FEMMES DE OAXACA ONT BRISÉ TOUS LES SCHÉMAS et nous ont enseigné la force des femmes. Elles étaient au sit-in, aux occupations, sur les barricades, mais là où elles ont clairement brisé plusieurs mythes qui subjuguent les femmes fut cette prise spectaculaire du canal 9 de télévision et où ce furent elles-mêmes qui ont commencé à émettre. Elles ont démontré que les femmes possèdent des capacités techniques, des capacités décisionnelles, des capacités intellectuelles et du courage.

Quand vous, les femmes, avez crié : « Nous enlevons les tabliers et prenons les fusils », ce que vous avez effectivement fait est de se débarrasser des stéréotypes qui vous relèguent à la cuisine. Et vous n’avez pas pris les fusils mais quelque chose de mieux : votre propre destinée. Dans la Oaxaca d’en bas, qui peut désormais dire aux femmes qu’elles « ne peuvent pas », qu’elles aillent « à la cuisine et à la vaisselle » et qu’elles rentrent « au foyer » ?

Vous nous avez appris l’AUTODÉFENSE POPULAIRE, pas celle qui signifie prendre les armes ou attaquer mais qui protége et défend, celle qui a abandonné les barricades pour éviter l’affrontement avec la PFP, qui n’a pas fuit mais qui s’est redéployée, l’autodéfense qui a empêché le raid contre l’université, l’autodéfense qui, si elle utilise des pierres et des objets domestiques, s’appuie surtout sur l’ORGANISATION, les gardes mobiles qui parcouraient la ville et prévenaient, au moyen des radios réquisitionnées, chaque mouvement d’agression des troupes de choc envers la population. Et cette population est sortie de chez elle pour aller défendre les antennes, les radios, les barricades. Vous nous avez appris que les principes primordiaux de l’autodéfense sont l’organisation, la communication et la volonté du peuple à répondre, aussi bien que la capacité de se replier et de se protéger quand c’est nécessaire.

L’Autre Campagne a mis au jour la crise de la classe politique, et nous refusons d’accepter le rôle de simples spectateurs à qui il est seulement permis de voter tous les six ans et de se taire en cas de fraude. Le mouvement de Oaxaca également a dévoilé la porcherie qui se fait appeler classe politique. Ceux qui ont été tués par les tueurs à gages d’Ulises Ruiz, ceux qui ont été détenus et torturés à Oaxaca n’ont pas intéressé les partis politiques.

Après leurs calculs politiques, ils ont décidé que la solution au conflit de Oaxaca pouvait attendre, qu’on pouvait perdre d’autres vies pendant qu’ils se consacraient à se répartir les commissions à la chambre des députés. Maintenant que le 1er décembre approche, le PRD (Parti de la Révolution Démocratique) fait un nouveau calcul politique, il faut qu’il intègre le mouvement de Oaxaca pour obtenir du soutien à la CND (Convention Nationale Démocratique). Bien sûr, cela n’empêche pas le gouvernement PRD de la ville de Mexico de lancer des grenades contre les mobilisations de l’Autre Campagne en soutien à l’APPO. C’est ce qu’ils méritent pour ne pas avoir soutenu Lopez Obrador !

L’équation politique du PRI (Parti de la Révolution Institutionnelle) est simple : si Ulises Ruiz tombe, le suivant est el Gober Precioso (Mario Marin Torres, gouverneur de Puebla) et d’autres gouverneurs du PRI. C’est pourquoi tous appuient Ulises Ruiz quoi qu’il arrive. Même si la PFP doit rester cinq ans à Oaxaca et même s’ils doivent remplir les pénitenciers de prisonniers politiques.

Le calcul du PAN (Parti d’Action Nationale) est le même mais il est appliqué à l’échelle de l’état et de la fédération : si Ulises Ruiz tombe, alors qu’il est au pouvoir depuis à peine un an grâce à une fraude électorale, combien d’années de gouvernement peut espérer Felipe Calderon ? C’est pourquoi les sénateurs du PRI et du PAN ont préféré estimer que même si Ulises Ruiz ne gouverne pas Oaxaca, il n’y aura pas de disparition des pouvoirs.

Il y a aussi un autre calcul politique du PRI et du PAN : si tu laisses Ulises Ruiz tomber, dit le premier au second, nous lui ferons l’affront politique de ne pas assister à sa prise de fonction. Cette menace, que le PRI n’est pas disposé la mettre en œuvre, effraie Calderon, qui se sait illégitime.

Donc, Fox a fait une promesse, peut-être la seule promesse qu’il a accomplie durant son sexennat : résoudre le conflit de Oaxaca comme il a « résolu » le conflit au Chiapas et à Atenco. Et il l’a fait en 15 minutes : le CISEN (Sécurité nationale) suit chaque pas du mouvement social, pas seulement à Oaxaca, mais dans tout le pays. Il a mis en route le plan DN-II, c’est-à-dire le plan contre-insurrectionnel de la SEDENA (Ministère de la Défense), pour lequel le mouvement social civil et pacifique est une guérilla et donc un ennemi à vaincre. Et bien sûr, il a envoyé la PFP à Oaxaca pour rétablir « l’état de droit ».

Tout ce qui se passe aujourd’hui a une histoire et celle de Oaxaca est longue. Merci compañeras et compañeros pour ces grands enseignements.

On pourra dire que le mouvement n’est pas parfait, qu’il y a des erreurs, et c’est peut-être vrai, mais incontestablement, il s’agit d’un mouvement populaire qui dépasse le cadre de l’état et qui a mis en échec le gouvernement fédéral et la classe politique dans son ensemble.

Quoi qu’il arrive à partir de maintenant, le véritable résultat du mouvement oaxaquenien se verra dans quelques années et pas seulement à Oaxaca. La graine a été semée dans une terre fertile.

Nous ne nous rappellerons pas la terreur qu’ils ont voulu nous imposer avec le sang et la torture, nous ne nous rappellerons pas le silence qu’ils ont voulu nous imposer avec la prison. Nous nous rappellerons vos grands enseignements.

C’est la meilleure façon de vous soutenir qui soit à notre portée.

Notre cœur, nos yeux et nos oreilles à Oaxaca.

Gloria Arenas Agis
Prison de Santa Maria Chiconautla, Ecatepec

Maria Selvas Gomez
Norma Jimenez Osorio
Suelen Cuevas Jaramillo
Edith Rosales Gutierrez
Magdalena Garcia Duran
Maria Luisa Lopez Moran
Patricia Romero Hernandez
Prison de Santiaguito, Almoloya de Juarez

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