The Narco News Bulletin |
August 15, 2018 | Issue #43 |
narconews.com - Reporting on the Drug War and Democracy from Latin America |
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L'instituteur indigène Panfilo Hernandez a été abattu cette nuit de trois balles dans l'abdomen en sortant d'une réunion de quartier de l'Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO), dans le quartier El Pozo, situé dans le secteur « Jardin » de la ville.
Cet acte a eu lieu pendant que l'APPO décrétait l'alerte maximale dans les sit-in et les barricades voisines face à des rumeurs persistantes annonçant l'entrée imminente des troupes de choc du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) dans le centre historique pour déloger les occupants. De fait, des « répétitions » d'incursion avaient été rapportées, à la suite de quoi le leader du CNC (Confédération Nationale Paysanne) Elpidio Concha avait distribué des machettes à ses partisans lors d'un rassemblement rapide près des halles centrales.
L'assassinat de l'instituteur Panfilo Hernandez, du secteur Zimatlan, a eu lieu à 21h, tandis qu'il sortait du centre communal dans la rue Bugambilias, à l'angle de la route San Luis Beltran. Là, plusieurs individus à bord d'une Jetta bleue sans plaques minéralogiques, lui ont tiré dessus pratiquement à bout-portant avec un calibre 45 et l'ont blessé trois fois à l'abdomen. Deux autres balles se sont fichées dans un mur. Le trottoir est marqué d'une flaque de sang ; les voisins ont retrouvé trois douilles.
Bien qu'il ait été transporté à l'hôpital civil de la ville par la Croix Rouge, le professeur est décédé - au bloc opératoire 9 - suite à une hémorragie interne, selon le représentant du Ministère public dépêché à l'hôpital.
A 23h, les brigades mobiles de l'APPO ont emmené sur la place principale de Oaxaca l'agent de police préventive Martin Ruiz Martinez qu'ils accusent d'avoir tiré sur le professeur, bien que le Ministère Public chargé des affaires académiques, à qui il a été remis, ait déclaré qu'il avait été appréhendé par erreur. Néanmoins, les occupants ont exigé qu'il soit puni et criaient même « Au feu l'assassin ! ».
Le porte-parole de l'APPO, Florentino Lopez Martninez, a déclaré que ce nouvel assassinat participe du climat de harcèlement et d'agression contre le mouvement qui demande la destitution du gouverneur Ulises Ruiz, et rapporte d'autres actes d'intimidation. Par exemple, dit-il, son camarade Adolfo Lopez Ortega aurait été filmé par des agents de la sécurité Nationale (CISEN), alors qu'il marchait dans l'avenue Ferrocarril. Les agents conduisaient une camionnette Suburban blanche, portant l'immatriculation du District Fédéral (Mexico) suivante : 195 UCW . Plus tard, sa famille a reçu des appels anonymes les menaçant de mort.
Pendant ce temps, la séance plénière des secrétaires généraux de la section 22 du Syndicat National des Travailleurs de l'Education (SNTE) s'est mise d'accord ce soir pour consulter les plus de 70 000 professeurs de l'état pour savoir s'ils acceptent ou non les propositions du Ministère de l'Intérieur et, dans ce cas, si l'année scolaire reprend ou bien si l'arrêt de travail débuté en mai dernier continue.
La réponse de la base enseignante sera en outre subordonnée à la décision des sénateurs concernant la disparition des pouvoirs ou le rejet de cette voie comme solution au conflit, et ne signifie pas le retrait de la revendication exigeant le départ du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz, « laquelle est non négociable et non discutable pour les professeurs comme pour l'Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO). »
Le procédé de la consultation a été accepté bien que le leader national Enrique Rueda Pacheco ait cherché à proposer un retour en classe, sous la pression d'un secteur de professeurs qui prétextaient la faiblesse économique après que le gouvernement d'Ulises Ruiz ait ordonné la suspension de la paie des salaires il y a deux mois.
Par ailleurs, des membres de l'APPO et des parents d'élèves sont arrivés jusqu'à l'hôtel des professeurs - où avait lieu la réunion plénière - pour exiger de la section 22 de ne pas reculer et de continuer la lutte. Un mégaphone collé aux portes de l'auditorium de l'hôtel, les manifestants scandaient : « Le prof conscient ne se rend ni ne se vend ! » ou encore : « Professeur, tu as commencé, tu dois finir ! Ulises n'est pas parti, tu dois le virer ! ».
Cependant, et contre la position des dirigeants, la majorité des secrétaires avaient déjà décidé la réalisation d'une consultation jeudi et vendredi, dont les résultats seront évalués samedi au cours d'une assemblée fédérale. Les deux questions qui seront posées à la base enseignante oaxaquena sont : « Acceptez-vous les propositions du Ministère de l'Intérieur ? » et « Etes-vous d'accord pour que la rentrée scolaire soit a) lundi 23 octobre, b) mercredi 25 octobre ou c) lundi 30 octobre ? ».
Néanmoins, Rueda Pacheco a déclaré que de ne pas accepter les propositions du Ministère de l'Intérieur reviendrait à rendre nuls les résultats de la réponse à la seconde question. Dans une conférence de presse donnée à la suite de la réunion, il a expliqué les accords et déclaré que, pendant que se réalisera la consultation, de commun accord avec l'APPO, s'amorcera ce jeudi un projet de plan d'action « pour que le sénat émette un décret en faveur du peuple oaxaqueno et déclare la disparition des pouvoirs ».
Aussi « pour définir les instruments avec lesquels la paix sera rétablie et décider comment construire politiquement un nouveau Oaxaca ». De même, il a été décidé de maintenir le sit-in devant le Sénat de Mexico et d'apporter un soutien total aux membres de l'Assemblée Populaire en grève de la faim.
De la même manière, il a exprimé la position de la section 22 à propos de la présidente du Syndicat National des Travailleurs de l'Education (SNTE), Elba Esther Gordillo Morales, qui a formé une commission dimanche pour analyser la possibilité d'accepter la demande du Conseil Central de Lutte (CCL) de se constituer en une section, désignée section 59. Avec cela, a assuré Enrique Rueda Pacheco, Mme Gordillo « veut s'immiscer dans le conflit oaxaqueno ».
Cependant, il a qualifié les déclarations d'Elba Esther Gordillo de « malheureuses, nous les réfutons, elles ne méritent pas d'attention et n'ont pas d'importance. » L'important, a-t-il dit, est que le syndicat national enseignant se démocratise et que, au final, « la clique qui a contrôlé le syndicat parte. »
Il a aussi rejeté la convocation émise hier par le dirigeant formel du SNTE, Rafael Ochoa, à une réunion avec la section 22, afin d'analyser la substitution de cette représentation pour laisser place à celle imposée par Gordillo Morales. « Nous n'accepterons aucun dialogue avec le syndicat. En ce moment, le fait qu'Elba Esther Gordillo ou monsieur Ochoa veuillent s'immiscer dans le mouvement n'est d'aucune importance. Nous n'assisterons à aucune de leur réunion ni ne prendrons en compte aucune demande », a-t-il averti.
Dans le même temps, pendant que les membres du PRI commençaient à préparer l'opération de « récupération » du centre historique, les brigades mobiles de l'APPO reprenaient les expulsions et les prises d'édifices publics, en commençant par celui du Secrétariat Général de Gouvernement, bien qu'ils n'aient que graffité ce dernier, et terminaient par le bâtiment du journal Officiel.
De plus, et comme faisant partie du plan Hierro (fer), qui prévoit la détention massive d'enseignants et de membres de l'APPO, le gouvernement de l'état a presque terminé la rénovation de la prison pour femmes de Tlacolula, dans laquelle se trouve, parmi les trois uniques prisonniers, Juan Ruiz Harp, cousin de l'ancien directeur millionnaire de Banamex Alfredo Harp Helu.
Cette rénovation inclut la division de chacune des 200 cellules pour en faire 400 et élargir ainsi la capacité de réclusion.
Et pendant que les efforts du gouvernement de l'état se concentrent sur comment dissoudre le mouvement social et enseignant, la vigilance policière dans les rues et les quartiers s'est relâchée, ce qui accentue encore plus le rejet de l'APPO envers la police municipale ou nationale.
Chaque jour, ceci occasionne des problèmes qui se succèdent : des automobilistes qui ne respectent pas les stops ou qui stationnent en double file dans le centre historique, certains restaurateurs qui jettent leurs ordures la nuit sur la voie publique, des véhicules accidentés qui sont dévalisés et les voleurs de droit communs détenus par les citoyens qui ont organisé un programme de vigilance de voisinage ou en appellent aux brigades mobiles.
Par exemple, tôt ce matin, deux agresseurs ont été détenus : l'un d'entre eux qui avait tenté de cambrioler une crèche dans la zone du marché central, a été libéré par l'APPO, puis est retourné sur les lieux dans l'après-midi où il a menacé une éducatrice avec un pistolet sur la tête et frappé trois enfants. Le 15 juin, relate une éducatrice, il avait agressé la même école, entrant par la porte de derrière à 7h du matin et avait tenté de violer une des enseignantes.
Cette fois, les voisins et les locataires l'ont détenu, frappé et l'ont attaché à un arbre avec une corde jusqu'à ce que la police préventive arrive pour le détacher. Les gens, après lui avoir arraché sa chemise, ont écrit au marqueur sur son dos le message suivant : « Je suis un voleur et un violeur ». Ils lui ont aussi accroché une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Regardez-moi bien, je suis un voleur et un violeur. Je me suis introduit dans une garderie. »
Les policiers l'ont menotté et, selon l'exigence des voisins et des mères des enfants de la crèche, il a été emmené à pied jusqu'au commissariat du secteur où il a été remis au juge.