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Narco News Issue #61

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Meurtre d’un militant contre l’exploitation d’une mine au Chiapas

Mariano Abarca était à la tête d’un mouvement en pleine expansion visant à sortir les entreprises minières canadiennes des communautés mexicaines


Par Kristin Bricker
Spécial pour Narco News Bulletin

1 décembre 2009

Mariano Abarca Roblero, un des plus éminents militants contre l’exploitation minière, a été abattu le 27 novembre au soir, en face de chez lui à Chicomuselo, Chiapas. Il laisse derrière lui une femme et quatre enfants. Un autre homme a été blessé au cours de la fusillade.


Mariano Abarca Roblero
L’incident survient quelques jours après la plainte qu’avait déposé Abarca contre deux employés de Blackfire, Ciro Roblero Perez et Luis Antonio Flores Villatoro, lesquels avaient menacé de l’abattre s’il ne cessait pas ses activités contre l’entreprise minière canadienne de barite Blackfire à Chicomuselo. D’après une plainte déposée par un employé du gouvernement travaillant à l’antenne municipale de Chicomuselo, Roblero Perez est arrivé en disant qu’il était venu chercher Abarca « pour le buter ». Il aurait dit aussi qu’Abarca et d’autres personnes faisaient partie d’une liste de personnes visées par la direction de Blackfire. Le directeur des relations publiques de Blackfire Luis Antonio Flores Villatoro est mentionné dans la plainte déposée par l’employé comme l’une des personnes responsables de la liste.

Les autorités de l’Ejido* de Nueva Morelia à Chicomuselo prirent au sérieux la plainte et aidèrent Abarca à solliciter une commission d’enquête. Le jour avant l’assassinat, Roblero Perez et Flores Villatoro furent sommés de témoigner au sujet des menaces de mort mais ils n’ont pas comparu..

Une histoire de harcèlement

Bien que les autorités locales aient essayé de protéger Abarca, le Réseau mexicain des personnes affectées par l’exploitation minière (REMA) reproche au gouvernement de l’Etat du Chiapas de n’avoir pas su protéger le militant anti-mine. Au contraire, le gouvernement de l’Etat semble avoir été complice du harcèlement de Blackfire à l’encontre d’Abarca.

Le 17 août 2009, des hommes armés non identifiés, circulant dans des voitures non immatriculées, séquestrèrent Abarca alors qu’il sortait de l’école élémentaire de Chicomuselo. Il avait visité l’école pour demander l’autorisation d’utiliser le bâtiment, au nom de l’organisation REMA, pour une Rencontre contre l’industrie minière programmée les 29-30 août.

Les séquestreurs se trouvèrent être de la police. Ils avaient arrêté Abarca suite à des plaintes déposées par Blackfire concernant le blocage d’une autoroute en juin juillet 2009 mis en place par le REMA pour empêcher le passage des camions de Blackfire. Le REMA protestait contre l’entreprise minière pour ne pas avoir tenu les promesses qu’elle aurait faites concernant des projets de développement de la communauté et une gestion responsable de l’environnement. Selon les leaders de la communauté, la mine à puits ouvert de barite utilise trop les rares ressources d’eau dans la zone. Ils sont préoccupés par les effets que la pollution pourrait avoir sur leur culture dans un proche avenir.

En réaction à la plainte déposée par Blackfire, le gouvernement de l’Etat a accusé Abarca d’attaque contre les voies de communication, d’association délictueuse, de crime organisé et d’atteinte à la paix. Théoriquement les accusations de crime organisé sont réservées aux trafiquants de drogue, d’armes et de personnes et aux autres membres du réseau extensif de la mafia mexicaine. Cependant le gouvernement du Chiapas est connu pour accuser de crime organisé les militants et les porte-parole des communautés afin de profiter de la restriction des droits à un jugement en bonne et due forme pour les personnes accusées de crime organisé.

C’est ce qui s’est passé dans le cas d’Avarca. L’accusation de crime organisé permit au gouvernement du Chiapas de l’emprisonner avant jugement grâce à la procédure fortement controversée et internationalement critiquée d’ « arraigo ». Avec l’ « arraigo », le gouvernement peut arrêter un suspect et l’isoler pendant des mois pour lui soutirer une confession , recourant à la torture parfois.

Le gouvernement de l’Etat a détenu Abarca pendant huit jours avant qu’il ne le libère, cédant à la pression internationale. Abarca fut libéré et les charges furent retirées pour manque de preuves. Son avocat Miguel Angel de los Santos critique le gouvernement du Chiapas pour avoir cédé à la pression de l’entreprise minière dans l’arrestation d’ Abarca. « Rien ne justifiait légalement son arrestation et sa détention. L’enquête préliminaire commença le 12 juin, deux jours après le blocage, et commençait seulement à prendre forme. L’enquête n’avait pas avancé, « a-t-il dit à Proceso en août après la libération d’Abarca.

Encore les méfaits d’un ajustement structurel

Le mécontentement social au sujet des mines au Mexique s’est régulièrement amplifié ces dix dernières années, en commençant par les premiers effets qui se firent sentir à la suite d’un plan de dérèglement du secteur minier mandaté par une Banque mondiale. Un document confidentiel de la Banque mondiale intitulé « Rapport de développement et mise en œuvre : Projet de restructuration du secteur minier mexicain » qu’a publié Narco News, décrit exactement comment un projet de prêt sur neuf ans a transformé drastiquement le secteur minier mexicain.

Le projet, proposé d’abord par la Banque mondiale en 1989 et vite adopté par le gouvernement mexicain, visait à dérégler l’industrie minière du Mexique. La banque proposait le projet parce que, comme son Rapport de développement et mise en œuvre (ICR) l’explique,

Les derniers prêts de la banque pour l’activité minière au Mexique étaient orientés vers des projets d’investissement spécifiques, avec des lignes de crédit direct vers ce secteur…Les leçons tirées de ces opérations étaient que la poursuite du développement du secteur minier exigeait un accès plus grand aux droits fonciers, une réduction des limitations de propriété, une révision de la législation fiscale, une restructuration des institutions existantes ainsi que des politiques stimulant l’investissement privé d’entreprises internationales ou nationales dans le secteur minier. Le rapport du secteur minier de la Banque identifiait l’inadéquation du cadre réglementaire et institutionnel comme étant la plus grande entrave à l’augmentation de l’investissement privé et à la croissance du secteur.

Un des principaux objectifs de la Banque pour ce projet était d’ouvrir l’industrie minière nationale aux compagnies internationales ; la Banque listait « ouvrir le secteur aux étrangers » comme « sa première stratégie pour restructurer le secteur ». Elle espérait le faire par la privatisation des compagnies minières de l’Etat, la réduction fiscale, l’octroi de droits fonciers et miniers aux compagnies privées et la facilité d’accès à la propriété de terres mexicaines pour les entreprises étrangères afin de « contribuer à augmenter l’exploration et l’exploitation du vaste potentiel minier du pays, pour profiter de la place stratégique du Mexique près des Etats-Unis et du Canada. »

La Banque proposa, dans son Rapport sur le secteur minier, une série de modifications au droit mexicain et le gouvernement mexicain – à ce moment encore sous le régime d’un parti unique – s’empressa de les appliquer dans un plan intitulé Programme de modernisation du secteur minier national. En quatre ans à peine (1990-1994), le cadre légal minier mexicain subit un changement radical. Avant que l’encre des nouvelles lois soit sèche, la Banque commença à distribuer de l’argent aux entreprises minières étrangères pour « aider le financement de l’accroissement des fonds d’investissement qui devait résulter de l’amélioration du cadre politique et institutionnel pour les opérations minières. »

La Banque était enchantée des résultats du Programme de modernisation des mines nationales et de ses prêts à venir. D’après la Banque, au cours du projet qui prit fin en 1998, plus de 8,7 millions d’hectares de terre ont été mises en vente et 17 220 nouvelles concessions minières ont été accordées. Résultat des changements légaux mandatés par ce prêt, le temps requis pour l’exploitation des concessions minières diminua de 5 ans à 5 mois et les 14 000 demandes de concessions en attente depuis 1989 du gouvernement mexicain a virtuellement disparu du jour au lendemain. La Banque était tellement satisfaite des résultats du Projet de restructuration du secteur minier qu’elle écrit : « D’autre participation bancaire dans ce secteur ne semble plus justifiée, étant donné que l’exploration/exploitation minière est maintenant ouverte aux investisseurs internationaux et nationaux. ».

L’ajustement structurel du secteur minier mexicain entrepris par la Banque a joué un rôle clef dans la bataille « terre et territoires » dans le pays (comme la nomme les Zapatistes). La propriété privée, la pression économique croissante sur les petits paysans pratiquant une agriculture de subsistance et les projets de « développement » élaborés d’en haut sont vivement ressentis dans les communautés dont les sols sont riches en minéraux. D’après Gustavo Castro Soto de Otros mundos, organisation à but non lucratif basée au Chiapas, « Début 2000, presque 10% du territoire national ont été cédés aux entreprises transnationales moyennant des concessions minières ». Le REMA note qu’au Chiapas 15,21% du territoire global de l’Etat ont été cédés moyennant des concessions minières. Beaucoup de ces concessions n’expirent pas avant 2050. Si le mécontentement social qui accompagne fréquemment les concessions minières est un indicateur, les Mexicains ne remettent pas de bon gré leur terre aux entreprises minières étrangères.

L’industrie minière sous le feu

L’assassinat de Mariano Abarca intervient au moment où l’industrie minière au Mexique ressent la chaleur des mouvements sociaux mexicains. Inspirées par le mouvement national des communautés affectées par les projets de barrages électriques, les communautés affectées par l’exploitation des mines rejoignent les mouvements dans un front uni contre les pratiques minières destructrices.

En 2008, des représentants de Chicomuselo ont voyagé jusque dans l’état de Jalisco pour retrouver le REMA lors de la Première rencontre du réseau mexicain des personnes affectées par l’exploitation minière. Des représentants des communautés affectées par l’exploitation des mines de onze Etats et la ville de Mexico ont participé à cet événement historique : Chihuahua, Sonora, Nayarit, Jalisco, Oaxaca, Chiapas, Guerrero, la ville de Mexico, l’Etat de Mexico, San Lui Potosi, Coahuila et Veracruz. Le REMA a convenu dans cette réunion de sensibiliser les gens aux effets sociaux et environnementaux de l’exploitation minière. Il a aussi promis que les organisations adhérentes se soutiendraient mutuellement dans leurs luttes contre l’exploitation minière destructrice dans leurs communautés.

Une des actions communes de plus grande envergure qu’a accomplie le REMA était le sit-in de protestation en face de l’ambassade du Canada de la ville de Mexico en juillet dernier. Abarca et les représentants d’autres communautés affectées par les entreprises minières canadiennes participaient au sit-in qui demandait le retrait de l’entreprise canadienne Metallic Resources/New Gold du Cerro de San Pedro, San Luis Potosi. Au cours de la manifestation, Abarca parla de la contamination des sources d’eau traditionnelles par les entreprises minières canadiennes

A la suite de cette protestation, les communautés affectées par l’exploitation minière ont remporté une victoire provisoire : le mois dernier, un juge fédéral a ordonné la fermeture de la mine du Cerro de San Pedro parce que l’entreprise minière avait enfreint les clauses environnementales. La fermeture survient après dix ans de combat mené par une grande coalition des organisations de société civile de San Luis Potosi qui inclut des organisations liées au Parti centre-gauche de la révolution démocratique (PRD) et des groupes affiliés à l’Autre campagne zapatiste. Ils se sont opposés au projet de l’exploitation des mines d’or car en plus des problèmes environnementaux, le Cerro de San Pedro est un monument historique officiel. Newgold a promis de faire appel à la décision.

Au Chiapas, Abarca a dirigé un barrage d’autoroute, comme mentionné précédemment, qui empêchait les camions de Blackfire d’entrer et de sortir de la mine de Chicomuselo en juin et juillet dernier. La communauté protestait contre l’usage excessif de la part de la compagnie des rares réserves d’eau, le non-accomplissement des engagements qu’elle aurait faits à la communauté et ses manœuvres sournoises qui lui ont permis d’acheter 13,5 ha de terre ejidal sans l’approbation requis de l’assemblée de l’ejido. Blackfire déclare la perte de 120 000 pesos (9 334 dollars) en conséquence directe du barrage.

En août dernier, le REMA a tenu sa Seconde rencontre du réseau mexicain des personnes affectées par l’exploitation minière au Chiapas. Des communautés du Guatemala qui résistent aux projets miniers se sont déplacées jusqu’au Chiapas pour participer et partager leurs expériences. Abarca a contribué à organiser la Rencontre et , comme il est dit plus haut, c’est pendant le déroulement de l’organisation de la Rencontre que la police de l’Etat a séquestré Abarca et l’a accusé de crime organisé, à la demande de Blackfire.

Un communiqué signé par 25 organisations mexicaines de six Etats et de la ville de Mexico tiennent les propriétaires de Blackfire responsables de l’assassinat d’Abarca et de toute violence consécutive dans la région. Ils appellent à un sit-in de protestation devant l’ambassade du Canada et le siège du Ministère de l’économie à Mexico, le 3 décembre en solidarité avec des gens de Chicomuselo.

*Un ejido est une terre communale traditionnellement gérée par une assemblée.


Trad. madelon

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